mercredi 14 mai 2014

La révolte...

Faut-il se révolter pour changer durablement ?


Le nombre de personnes souhaitant voir le monde changer est chaque jour plus important : écologistes, objecteurs de croissance, Indignés, promoteurs d’une éducation alternative, manifestants, artistes, signataires de pétition, en passant par tous les citoyens conscient de nos problèmes de sociétés mais qui, résignés face à notre apparente impuissance, ne savent pas comment agir. Notre potentiel est inestimable et un sentiment majoritaire domine : le désarroi et la révolte.
On peut se sentir révolté lorsqu’une situation ne nous convient pas, ne rentre pas dans notre échelle de valeur ou de croyance, et face à laquelle on se sent souvent impuissant. Une situation qu’on ne peut généralement pas changer par notre simple volonté ou action individuelle.
Face à cela, un révolté nourrit généralement deux attitudes :
  • soit l’envie et l’énergie de changer quelque chose
  • soit la résignation face à cette chose
Dans le premier cas, on va agir et lutter contre ce qui nous révolte : participer à une manifestation anti-Le Pen, saccager un Mac Donald’s, diffuser de l’information contre l’islamisme, insulter un criminel, agresser son banquier, etc. Dans le deuxième cas on développera la conviction fataliste d’une issue à sens unique, contre laquelle on ne peut rien. « De toute façon le monde est ainsi », « La corruption existera toujours », « Ces gens ne changeront jamais », « Ca va forcément péter un jour c’est obligé », « C’est dans la nature humaine »  etc.

La révolte sur le plan personnel

Sur le plan personnel, la révolte est toujours accompagnée de colère, lorsqu’elle ne va pas jusqu’à la violence. La colère est un sentiment qui génère un traumatisme, une émotion qui, lorsque nous la vivons ne nous procure pas de joie, d’amour ou de plénitude. Lorsqu’elle domine notre vie, elle ne nous rend pas heureux. La colère exprime une souffrance liée à notre incapacité à accepter quelque chose. Une personne régulièrement révoltée se nourrit de colère, qui finit par l’envahir et s’installer profondément dans sa vision de le vie. C’est ainsi qu’en vieillissant, de nombreuses personnes deviennent ronchons, aigries et résignées face à « la bêtise de tous ces gens qui ne comprennent rien et sont vraiment trop inconscients /idiots /cons /déconnectés /débiles /fous /irrécupérables /différents pour comprendre et voir les choses à ma manière ». Dans notre tête de révolté, les choses deviennent irréversibles et nous enferment généralement dans une forme de pessimisme. Pessimisme dans lequel je finis fatalement par ne plus pouvoir concevoir d’autres réalités possibles.
Nous pouvons trouver 1000 raisons de nous révolter, nous pouvons passer notre vie à cela et mourir en révolté. Les choses n’auront peut-être pas changées ou peut-être auront-elles changées en partie. Et moi, serai-je heureux ? Ai-je développé la santé et la joie ou suis-je malade et rempli de rancœur, ai-je créé ce qui me tenait à cœur ou ai-je donné mon énergie à lutter contre ce qui ne me convient pas, ai-je réalisé mes rêves ou ai-je abandonné tout espoir de les vivre un jour ?

La révolte sur le plan collectif

La révolte nourrit la dualité. C’est-à-dire le fait que nous sommes forcément les uns-contre les autres. Un révolté se crée des ennemis. Si je suis contre le nucléaire, alors j’ai face à moi l’industrie du nucléaire, des individus aux convictions opposées, et des sceptiques modérés. Si je suis contre une guerre alors j’ai face à moi un gouvernement ou un groupe belliqueux, son mouvement de soutien extrémiste ou simplement ses sympathisants. Si les superstars me révoltent j’ai face à moi leurs fans, leurs agents, les médias et toutes les professionnels qui gravitent autour. Si les beaufs, les extrémistes religieux, les racailles, les marginaux, les banquiers, les boys-band, les mystiques, les religieux, les supporters de foot, les bourgeois, les chauffards, les teuffeurs, les fils à papa, les piliers de bar ou tous ces gens qui m’agacent et réveillent en moi de la colère, s’ils nourrissent en moi un quelconque sentiment de révolte, alors j’ai face à moi ces mêmes personnes, leurs proches, et ceux qui les soutiennent, les aiment, ou simplement les tolèrent.
Et le pas vers le radicalisme est vite franchi. Les personnes les plus révoltées sont souvent les plus radicales et ne tolèrent pas dans leur cercle les personnes qui ne répondent pas entièrement aux critères qu’elles revendiquent. De nombreuses occasions de paix et d’ouverture sont ainsi gâchées faute de tolérance. C’est ainsi par exemple que l’écologie radicale méprise certaines personnalités comme Nicolas Hulot et diffusent auprès du public l’idée que si l’on n’est pas dans la perfection, dans le sans faute, on n’est pas légitime. Quel message envoie ce genre de révoltés aux individus qu’ils souhaitent voir changer ? Tu es 100% comme nous ou tu n’es pas du tout. Tu auras beau changer demain, ton passé te suivra partout. Ils risquent d’attendre longtemps avant de voir leur idéal se réaliser et que la masse populaire vienne sonner à leur porte.

La révolte ou la désillusion

Le modèle de la révolte, c’est la guerre, qu’elle soit à petite ou à grande échelle. A grande échelle il peut s’agir d’un groupe militant contre un autre,  d’un pays en guerre contre un autre, ou d’un mouvement contre cette même guerre. A petite échelle, je ne supporte pas les bourgeois prétentieux, les écolos radicaux, les financiers, les jeunes délinquants et les paysans racistes, par exemple. Ils ne pensent pas comme moi, j’en déduis qu’ils ne sont pas avec moi, donc je suis contre eux. J’identifie mes ennemis, qui peuvent être des individus, des groupes d’individus, des systèmes ou des concepts, et j’utilise mon énergie contre ces ennemis. Faut-il faire la guerre à la guerre ? Avez-vous déjà vu une seule guerre, dans l’histoire connue de ce monde, qui ait semé autre chose que les germes de la suivante ? Il n’existe aucune lutte, individuelle ou collective, remportée contre une personne ou groupe ennemi qui n’ait transformé durablement ce dernier à la cause de l’autre. Souffrance et rancœur restent toujours ancrées, jusqu’à ce qu’un jour elles puissent se déverser sur un autre groupe ou individu, ou qu’un travail durable de pardon et d’acceptation ne soit réalisé. Le modèle de la révolte, c’est la guerre.
Me révolter nourrit et fait exister l’objet de ma révolte. C’est le concept du balancier : quand plusieurs personnes pensent dans la même direction, ils créent une structure d’informations appelée balancier. Si j’envoie de l’énergie vers quelque chose, que je sois pour ou contre, je le nourris et le fais exister. J’amplifie le mouvement du balancier. Lorsque je me révolte contre quelqu’un ou quelque chose, je nourris une dualité encore plus exacerbée. Avez-vous déjà vu une seule situation ou le rejet et le mépris de l’autre n’ait pas ressoudé et renforcé le soutien à sa cause ? Ainsi, que je pense du bien ou du mal de la télé réalité, d’un homme politique ou d’un groupe social, je le fait exister et lui donne des raisons d’être. Quand je suis anti-nucléaire, je donne mon énergie au balancier nucléaire. Quand je manifeste contre la guerre, je donne mon énergie au balancier guerre. L’énergie que j’envoie est neutre, elle ne distingue pas le pour du contre. Me révolter nourrit et fait exister l’objet de ma révolte.

Mais que faire, se résigner ?

Nous l’avons vu, être révolté génère de la colère, nourrit de la rancœur et ne nous rend pas heureux. D’autre part, en nous révoltant nous donnons notre énergie à ce qui nous révolte. Il existe trois comportements constructifs qui non seulement évitent de nous plonger dans le sentiment de rage ou de désespoir, mais créent du changement.
S’indigner. Il va de soi que certaines choses sont difficilement tolérables. Les guerres et leurs morts innocents, la destruction inconsciente de la planète ou encore la pauvreté générée par la domination d’une poignée de riches sur nos sociétés sont ainsi quelques exemples. Il ne s’agit donc pas de fermer les yeux et faire comme si de rien n’était. Mais lorsque nous avons peu d’emprise concrète pour agir, se révolter ne changera pas grand-chose si ce n’est nous rendre malheureux. Lorsque nous prenons conscience d’un problème, préférons l’indignation qui nous invite à canaliser notre colère dans l’optique de communiquer et révéler pacifiquement au plus grand nombre l’objet de notre indignation.
Concentrer son énergie à créer du nouveau. Tout est là : nourrir un nouveau balancier. Lorsque je me révolte, je ne crée pas du nouveau. Je lutte contre un existant. Si je décide de mettre mon énergie à créer du nouveau, alors je crée du changement. « Le secret du changement consiste à concentrer son énergie pour créer du nouveau, et non pas pour se battre contre l’ancien. » (Dan Millman). Toute la question est : Où souhaitez-vous mettre votre énergie ? Si vous vous battez contre l’ancien, ce sera dans la colère et vous en tirerez peu de plaisir et d’épanouissement. Si c’est dans la création d’un nouveau modèle ou comportement, ce sera constructif, et participera à vous rendre heureux et vous épanouir. Dans cet état vous inspirerez plus naturellement votre entourage et vos contradicteurs à vous rejoindre. Ainsi la nuance peut être subtile : ne soyez pas « contre », soyez « pour ». ne soyez pas anti-guerre mais pro-paix, ne soyez pas contre un gouvernement ou un système mais œuvrez à la création du nouveau modèle que vous souhaitez voir se répandre, ne soyez pas anti-nucléaire mais pro énergie renouvelable, ne soyez pas contre les délinquants mais pour l’éducation et la justice. Si j’achète un produit  bio, je n’empêche peut-être pas les autres produits de se vendre mais j’encourage la vente et le développement de ce produit bio que j’achète. Petit à petit le changement prend forme car je crée du nouveau. Je n’attends pas que l’objet de mon mécontentement se transforme de lui-même, j’encourage le changement par un nouveau comportement.
Accepter et aimer pour transformer durablement. Il s’agit là du comportement le plus difficile à adopter car il demande une profonde prise de conscience et implique souvent un véritable travail sur soi. C’est pourtant une des clés les plus magiques du changement. Nous comprenons d’abord  que nous ne pourrons pas changer les personnes qui nous révoltent et qu’elles ne peuvent le faire que d’elles mêmes. Nous sommes prêts ensuite à les accepter telles qu’elles sont. Nous réalisons que nous sommes liées à ces personnes, que nous avons les mêmes aspirations profondes et que nous formons une grande Unité avec le reste de l’humanité. Enfin, nous découvrons que c’est en aimant ces personnes telles qu’elles sont qu’elles finissent par se transformer, lorsqu’elles ne déclenchent pas également une transformation en nous. C’est lorsque nous arrêtons de vouloir changer ces personnes qu’un rapprochement est possible, tel un élastique sur lequel on lâcherait la tension. La clé durable de la transformation est dans l’Acceptation et l’Amour inconditionnel de mes ennemis.
Imaginez simplement que vous soyez un élu politique controversé. Un grand nombre de gens vous lance régulièrement « T’es qu’un pourri, malhonnête, je te méprise, vivement que tu partes ou que tu crèves ». Imaginez maintenant qu’une majorité de gens vous lancent régulièrement « Nous savons tous que jusqu’ici vous n’agissiez pas dans l’intérêt commun et que vous avez cédé aux chantages du pouvoir. Mais nous avons foi en vous et en votre fond bienveillant. Je vous souhaite de trouver le courage et la force d’agir dans la bienveillance. Car nous vous aimons et vous soutiendrons dans votre transformation, que vous décidiez de partir ou de rester. »
Demandez-vous comment vous réagissez dans chacun des deux cas. Quelles actions vous aurez envie de faire, avec quel sentiment, dans quelles conditions et dans quel état d’Etre ? Rappelez vous que tout ce que vous pensez des personnes qui vous révoltent va nourrir quelque chose en eux qui soit les renforcera dans un état, soit les attirera vers un nouveau. Tant que je ne crois pas en l’Unité de l’humanité, je générerai toujours des « gentils » et des « méchants » à mes yeux, des « pour » et des « contre ». Que deviendront tous mes « méchants » si je gagne une guerre contre eux, vont-ils se transformer dans l’Amour et la Compassion ou vont-ils chercher à déverser leur rancœur et leur souffrance dans la vengeance un jour ou l’autre ? Tout est un choix qui commence individuellement puis se développe collectivement. Je transforme l’Humanité en me transformant moi-même. Croire en soi, c’est croire en l’Humanité.


 Etes-vous prêt à transformer vos révoltes en Amour, êtes-vous prêt à tendre la main à votre pire ennemi?