samedi 21 mai 2016

Point de vue....

La femme est battue pas son mari. Soit. C'est malheureux. C'est traumatisant. C'est destructeur et extrêmement difficile peut-être à vivre. Mais enfin c'est. Cela fait partie de la vie. il y a des gens qui se font humilier, battre, torturer ou égorger. Une femme s'est fait battre, une amie disons, elle vient me voir. Je l'écoute. Je l'écoute vraiment. Sans être figée sur l'idée que c'est affreux, que c'est insupportable, que "la pauvre elle ne s'en sortira jamais". Quelque chose qui n'est pas quelque chose écoute. dans cette écoute libre de tout jugement et de toute projection inutile, quelque chose peut naître, quelque chose de vrai peut surgir, quelque chose d'inconnu, d'étonnant, de profondément bénéfique. Je peux la prendre dans mes bras, l'amener au commissariat ou à l'hôpital. Je ne sais pas encore. C'est la situation qui va le dire. Il n'y a pas de projection. Juste pure écoute et on laisse faire ce qui monte. Si elle croit savoir qu'elle est malheureuse, qu'elle est la victime, elle s'enferme dans un masque qui ne lui permet nullement d'écouter vraiment. Conforter la personne en lui rappellant combien c'est douloureux d'être une victime ne ferait que fixer encore plus son attention sur cette image d'elle-même. Ce serait de la "non assistance à personne en danger". Cela ne signifie nullement que sur un plan légal elle n'est pas victime et qu'il n'y a pas lieu de faire condamner le mari. Mais sur un plan profond, dés que l'on prétend savoir, on n'écoute pas. On croit savoir, on pense, on juge, on interprète, mais finalement, on reste dans le connu, dans la mémoire dans le passé. Et ça c'est violent et faussement anesthésiant.Tant que l'on croit que c'est une personne séparée qui fait l'expérience, que c'est un moi personnel qui a reçu les coups, on reste dans la sempiternelle ritournelle de la dualité et du conditionnement. Ce n'est pas vrai. La personne est un imaginaire et l'imaginaire ne reçoit pas des coups. Juste en imaginaire. En réalité aucune expérience n'est jamais faite par quelqu'un. Il n'y a pas quelqu'un qui écoute, voit, ressent, hume, goûte. Il y a écoute impersonnelle, puis au sein de l'écoute impersonnelle se surimpose à postériori l'idée que c'est moi qui écoute, et selon que ce moi aime ou non ACDC ou non, il va péter un plomb ou se mettre à jouer de l'air guitar à se rouler par terre... L'idée que c'est moi qui voit le clavier ne voit rien. Une idée ni n'entend, ni ne voit ni ne ressent. L'idée est une consctruction imaginaire et conceptuelle très intéressante pour pouvoir parler et partager des idées, mais qui ne sert à rien pour percevoir un son, même un riff de guitare électrique... Ainsi ce jeu de révélation auquel je convie permet à cette femme de faire une discrimination entre le transitoire ( ce qui est perçu cad la douleur physique, psychologique, les émotions et les perceptions, les pensées, les jugements) et l'éternel c.a.d. la Présence éveillée, l'écoute impersonnelle, le témoin conscient (cela peut avoir toutes sortes de nom)... Ce jeu de révélation permet de constater ce qui est perçu sans appropriation. Réaliser cela dans sa vie est un des plus grands cadeaux au monde. et vous voudriez priver les gens de ce cadeau ? Pourquoi trouver anesthésiant le fait de faire l'expérience pure sans appropriation. C'est ainsi que l'expérience est faite en réalité. C'est nous qui avons dessapris l'essentiel. Nous avons appris à surimposer des jugements, des concepts, des filtrages sur tout ce que nous percevons. Mais nous ne nous en rendons même plus compte. Alors ce petit jeu n'anesthésie rien, il nous remet au contraire bien dans l'axe du ressenti silence où, en réalité, nous n'avons jamasi cessé d'être, sauf en imaginaire. Là un grand calme se manifeste. Pourquoi ? Pas par une induction hypnotique ou quelque tour de magie d'apprenti sorcier, ni par le biais d'une méditation ou d'une technique permettant d'édulcorer la réalité. Non, simplement par une observation à partir de ce que nous sommes déjà. Pas en rajoutant quelque chose, pas en imaginant quelque chose. Juste en étant honnête avec ce qui se vit. Ce qui se vit se vit. Si c'est une douleur, c'est une douleur. Si vous rajoutez la croyance que "ceci est ma douleur", vous rajoutez de la tension sur la douleur. Essayez ! Si vous vouez la douleur comme une douleur, ce qui est juste, sans le fatras psychologique, la douleur est éventuellement moins forte dans le sens où vous ne lui surimoposez pas une personne imaginaire prétendant que "cette douleur n'aurait pas dû arriver" et que "cette violence n'aurait pas dû être", et que "c'est injuste" et que "ça n'arrive qu'à moi", etc... Cela revient exactement à l'invitation de "K", écouter, ou observer sans observateur... Et il n'y apas plus guérisseur, plus profondément empathique et aussi fonctionnel et efficace dans la vie au quotidien et cour du chaos du monde que ce regard désencombré des conditionnements de la personne; Il n'y a pas non plus de regard plus profitable à l'environnement et au monde que ce regard impersonnel. Nos caractéristiques personelles, c'est à dire l'expression de notre vie d'humain au cœur du monde, n'exprime sa véritable beauté que lorsqu'elle fleurit de cette réalisation impersonnelle. Quittons le vue pour voir vraiment... ;-)