Margarita Konenkova née Vorontsova, était beaucoup plus
jeune que son mari. Ils se sont mariés en 1922 et ont quitté à peine un
an plus tard l’URSS pour les États-Unis où Konenkov devait participer à
une exposition de l’art russe et soviétique. Ce voyage qui ne devait
initialement durer que quelques mois s’est échelonné sur 22 longues
années. Pourquoi? Les époux Konenkov n’étaient pas les ennemis du
pouvoir soviétique. Lorsqu’ils revenaient en 1945 en URSS, le leader
soviétique Joseph Staline avait mis à leur disposition un bateau entier
pour transporter les sculptures réalisées par Konenkov aux États-Unis. A
Moscou, les époux se sont vus attribuer un bel appartement et un studio
spacieux. Ce genre d’accueil ressemblait plutôt à celui qu’on ferait
aux agents de renseignement ayant accompli une mission importante. Cette
version a été pour la première fois avancée en 1995 par l’ex-général
des services de renseignement Pavel Soudoplatov. Selon lui, Margarita
Konenkova était une agente du renseignement soviétique, l’information
qui n’a pas été officiellement confirmée ou démentie depuis.
Margarita Konenkova avait fait tourner la tête à plus d’un
homme. Le compositeur Rachmaninov, le peintre Vroubel et le chanteur
Chaliapine font partie de la liste très incomplète de ses soupireurs.
Une fois aux États-Unis, Konenkova portait des toilettes de luxe et
s’offrait des bijoux exquis. La lionne mondaine russe brillait dans la
bohème américaine et nouait facilement des contacts avec des hommes
influents.
C’est en 1935 que Margarita et Einstein se sont rencontrés
pour la première fois. Le sculpteur Sergueï Konenkov devait faire un
buste en bronze du savant. Einstein est venu poser dans son atelier.
Margarita se souvenait que le grand physicien « était un homme
étonnamment modeste et plaisantait souvent qu’il n’était connu que pour
sa tignasse ». La belle Russe a séduit Einstein dès la première
rencontre et bientôt ils ont commencé à se rencontrer. Un jour, Einstein
a obtenu à force de prières du médecin des Konenkov de parler à Sergueï
d’une « grave maladie » de sa femme qui devait absolument aller se
reposer. Inquiet, son époux s’est empressé d’envoyer Margarita dans une
station de cure. Fait-il dire qu’Einstein l’y avait rejointe le jour
même. Les amoureux se sont offert un repos inoubliable.
Beaucoup étaient au courant du roman d’Einstein et de
Margarita mais le mari trompé ne devait tout apprendre que le dernier
s’entend. Pendant bien longtemps, il ne se doutait pas des rapports
entre Margarita et le savant. Pourtant, même quand la vérité s’était
sue, il ne pouvait pas empêcher leurs rencontres. En effet, Margarita
était une femme indépendante et faisait tout à sa guise. Le pauvre
sculpteur n’avait plus qu’à se résigner. Au demeurant, s’il est vrai
qu’elle travaillait pour le renseignement soviétique, on peut supposer
qu’elle aurait pu lui faire comprendre que le « contact » avec Einstein
était très important et était par conséquent une raison d’État. C’était,
certes, une piètre consolation pour le mari trompé.
Les Konenkov sont rentrés en URSS en été 1945. Avant son
départ, Einstein a offert sa bien aimée une montre en or. Elle sera mise
en vente un demi-siècle plus tard par Sotheby’s avec l’archive des
Konenkov. Einstein se souvenait de sa bien aimée jusqu’à ses derniers
jours. « Margarita chérie ! Je suis en train de fumer la pipe que tu m’a
offerte et la nuit j’écris dans le lit avec ton beau crayon »,
écrivait-il en 1946. « Il n’y pas d’autres créatures féminines dans mon
entourage mais cela m’est égal ». Il se plaint dans une autre lettre : «
Notre nid d’amour a l’air abandonné et désolé ». Leur correspondance a
duré 10 ans, jusqu’au printemps 1955, date de la mort d’Einstein.
Sergueï Konenkov s’est éteint en 1971.Vieillie et malade,
Margarita est restée toute seule. Cette lionne mondaine pour laquelle
rivalisaient les hommes les plus connus de son temps, finissait ses
jours dans l’oubli. Elle est décédée en 1980.