jeudi 9 juillet 2020

Nous fuyons la peur de n'être personne...



Nous fuyons la peur de n'être personne.

Tout le monde veut devenir quelqu'un. Pourquoi? Demandez-le à n'importe qui, voici ce qu'on vous répondra: être quelqu'un, c'est détenir un certain pouvoir. Le pouvoir est nécessaire; sans lui, nous ne pouvons pas nous isoler pour ne pas être écrasés par toute une société d'autres individus qui aspirent à la même chose que nous, c'est-à-dire à devenir quelqu'un.
Bref, l'idée de devenir quelqu'un comporte la certitude généralisée que notre sécurité et notre bonheur terrestres dépendent totalement de notre succès à y parvenir. Ouvertement ou non, la majorité des gens pense de cette façon, et cette certitude, cette chasse au trésor dans la baignoire, contient en germe tout le malheur de l'humanité.
Tout comme la belle pomme empoisonnée que la méchante sorcière offrit à Blanche-Neige, cette certitude cache également son contraire, un contraire qui se terre en élevant la voix dans le psychisme de chaque individu, à son insu, trop loin pour qu'il entende son message, mais assez près pour qu'il puisse sentir sa présence.
Ce sentiment contraire, c'est la peur. Elle dit clairement que si nous ne devenons pas quelqu'un, nous ne connaitrons jamais la sécurité. Le terrible message secret, quasi inébranlable de la peur est que si nous ne devenons pas quelqu'un à nos propres yeux ou aux yeux des autres, nous serons sans pouvoir, et que sans pouvoir, nous périrons et nous disparaitrons. Voilà ce qui pousse les hommes et les femmes au seuil de l'épuisement.
Ce n'est pas la promesse de devenir quelqu'un d'éternellement heureux, mais la menace d'un malheur sans fin qui nous pousse vers la réussite, quel que soit le prix que doive payer l'individu ou la société.
Nous ne courons pas après quelque chose, après un but ou un rêve, nous fuyons quelque chose. Nous fuyons la peur de n'être personne.
Guy Finley