L'amour conditionnel que nous avons reçu enfant nous a amené à croire que nous n'étions pas aimables exactement tels que nous sommes, que nous ne pouvions être aimés qu'à certaines conditions. Ainsi nous avons appris à nous déguiser, à jouer des rôles, à faire semblant, à avoir l'air pour satisfaire les besoins, les désirs et les attentes de nos parents et de toutes les personnes de notre entourage.
Que nous ayons choisi de nous conformer ou de nous rebeller, de toute façon, nous avons construit notre personnalité pour une large part en réaction aux autres et au monde extérieur. Et la plupart du temps, nous avons adhéré plus ou moins consciemment aux appréciations et aux critiques portées contre nous.
Adultes, nous croyons souvent être victimes des autres, de notre histoire, de nos parents, de la société... sans réaliser que ce qui continue d'empoisonner notre vie ce ne sont pas les expériences passées mais les façons d'être, les comportements que nous avons instinctivement mis en place pour nous protéger, nous défendre et nous sentir aimés et acceptés.
En observant ce qui se passe en nous, nous pouvons voir que nos problématiques présentes ne viennent pas directement du passé mais de ce que nous continuons à être et faire en réaction à ce que nous avons vécu autrefois. Sans nous en apercevoir nous continuons à croire aux messages que nous avons reçu, sans avoir l'idée de les questionner tant que nous les prenons pour vrais.
En grandissant, nous nous aimons nous-mêmes d'un amour aussi conditionnel que celui qu'on nous a offert, bien souvent en nous plaignant, en accusant ou en désespérant que les autres ne nous aiment ni mieux ni plus que nos parents et tous les autres ne l'ont fait.
Alors en quête permanente et désespérée d'amour et de reconnaissance, nous poursuivons sur notre lancée, essayant constamment de parfaire cette personnalité de manière à devenir aussi aimables ou parfois détestables que possible, soit dans le but d'obtenir l'amour soit pour justifier de ne pas l'obtenir.
Quand au résultat de cette stratégie, nous savons tous au fond de nous ce qu'il en est: ça ne fonctionne pas! Car même quand nous semblons recevoir l'amour et la reconnaissance espérés, nous sentons bien que ce qui est aimé n'est pas le vrai nous mais le personnage fabriqué.
De plus, à force de peaufiner notre rôle ou plus exactement nos rôles de bons compagnons, bons amis, bons parents, bons enfants, bons employés, bons entrepreneurs, bons citoyens.., nous finissons par nous perdre complètement de vue, nous vivons de plus en plus déconnectés de nous-mêmes, nous laissant emporter et nous perdant dans les attentes et les désirs réels ou supposés des autres.
A tel point que nous ne sommes plus au centre de notre vie, que nous ne vivons pas la vie telle qu'elle se manifeste et cherche à s'exprimer à travers nous mais une vie en quelque sorte fantasmée par le monde ou du moins telle que nous imaginons qu'elle est supposée et devrait être selon des normes et des représentations extérieures.
Ce qui a pour conséquence que quand nous sommes mécontents, frustrés, déçus, malheureux de notre vie, nous avons le réflexe d'aller voir dehors ce qui ne va pas et de tenter d'y remédier, soit en essayant de changer les circonstances extérieures de notre existence soit en essayant de changer les autres. Ce qui évidemment ne fonctionne pas non plus ou très très imparfaitement.
La mode aujourd'hui est au développement personnel (j'ai entendu dire quelquefois: je fais du développement personnel), qui certes peut grandement contribuer à notre bien-être, à gagner une certaine aisance et un adoucissement de nos peines et de nos difficultés mais qui, comme son nom l'indique, travaille essentiellement à parfaire notre personnalité, la face visible de l'iceberg qui interagit au quotidien avec le monde extérieur.
Pourtant ce mieux-être aussi appréciable et délicieux soit-il est encore loin de satisfaire notre aspiration essentielle d'être et d'exprimer pleinement et parfaitement ce que nous sommes, à chaque instant, avec chaque personne, en toute circonstance, dans n'importe quelle condition.
Quelque soit le chemin accompli dans le monde de la forme, notre nature profonde, la vie que nous sommes, ne cesse jamais chaque jour, chaque instant de nous inviter à nous défaire de ce que nous pensons être et devoir faire pour entrer tout nu et tout neuf dans le courant toujours renouvelé de la vie jaillissante.
